Murmures dans l’oreillette

Anniversaire

la première chose à faire – danser
danser la joie de mon corps
ma jeunesse ma jouissance de vivre
j’ai mal à l’Équateur au Kurdistan
au Chili à Java l’Indonésie le Liban
mal à l’Homme et ne peux rien
pour ceux que j’aime que les aimer
rire plus fort ces jours-ci
avec l’obstination des anges
chanter à tue-tête
m’entêter à tuer chagrins
aimer mieux parmi les bêtes
penser à leurs regards
leurs sourires
quand nos regards souriaient ensemble

voici la lune pleine
voici l’année nouvelle
voilà le butin des âges passés
il a fallu ce jour
pour que je sente ce que je sens
savoir ce que je sais
dans la surprise du cheveu blanc j’embrasse
tous les mondes traversés
sans souvenirs de mes premiers mots
de la couleur hésitante de mes yeux
je vais à ma fin dans la splendeur de vivre
chacun de mes pas dans la terre ancre
mon indéfectible espoir

j’affirme la vie POSSIBLE
n’en déplaise aux patrons de la misère
poète à l’école des étreintes
mes morsures sont de soleil
je suis cent mille et cent mille femmes debout
je n’attends pas demain
je n’attends pas la fin du monde*
sans répit la beauté sauve le monde
et se dresse immense
la foule qui me ressemble

*La Marche à l’Amour, Gaston Miron.

[Ada Mondès via la revue Décharge]